Orientée vers des études littéraires, je n'ai pas suivi de cursus artistique officiel. En cela, je pourrais me dire autodidacte. Mais ce serait méconnaître le rôle qu'on joué pour moi ceux qui très tôt m'ont accompagnée et qui ont renforcé ma passion pour le dessin et la peinture. Un grand-oncle, artiste lui-même, des professeurs, m'ont guidée dès l'enfance, de façon informelle, mais en laissant justement libre cours à mes envies. Plus tard, j'ai fréquenté des ateliers à Montparnasse et travaillé avec des amis artistes qui m'ont aidée de leurs conseils. Mais c'est par un cheminement propre qu'on trouve sa voie et son style. On est toujours en cela un autodidacte. Et il faut précieusement préserver en soi ce quelque chose qui nous distingue et qu'on n'a pas appris des autres.
Est-ce important de montrer vos oeuvres au public ? Pourquoi ? Oui, c'est important. Sans doute pour ne pas m'enfermer dans une solitude qui appauvrit, pour comprendre pourquoi on aime ou pas mes tableaux, pour tenir compte ou non des remarques. Mais surtout, j'ai besoin de rencontrer les autres à travers ma peinture. C'est un moment fort pour moi lorsqu'un visiteur dépasse les éloges obligés, qu'il pose un vrai regard sur un de mes tableaux, et que je perçois l'émotion d'un échange.
Quels sont les artistes que vous admirez et/ou qui vous inspirent ? Il y en a tellement et de styles si différents qu'en citer seulement quelques uns me frustre. Disons tout de même Rembrandt, Delacroix, Matisse, Egon Schiele, Soulages... et tant d'autres ! Certaines oeuvres m'ont évidemment frappée plus que d'autres. M'en suis-je inspirée? Je n'en aurais pas eu la prétention sauf dans quelques exercices scolaires d'imitation. Mais elles m'ont nourrie, et sans doute en reste-t-il quelque chose lorsque je peins.
C'est en fait de la Chine que m'est venue mon inspiration actuelle. Mon premier voyage dans ce pays a constitué un tournant dans ma peinture. Les paysages grandioses des Montagnes Jaunes ou de la rivière Li, leur représentation dans la peinture chinoise classique et l'appel à la méditation qui en émane ont changé ma façon de peindre. J'ai revécu le choc éprouvé devant cette nature en redécouvrant des peintures qui auparavant me laissaient indifférente ; j'ai senti ce qui s'en dégageait, comme "un trait d'union entre l'homme et le surnaturel" pour reprendre une phrase de François Cheng, En cela Zao Wou Ki, qui fait partie des peintres que j'aime, est l'héritier moderne de ces peintres lettrés. Et si ma peinture devaitévoluer, je voudrais que ce soit vers cela, sans prétendre bien sûr reproduire, mais pour tenter de ressaisir et de retranscrire de la façon la plus dépouillée possible ce qui me semble être la substance de mes tableaux actuels.
Lorsque vous commencez une toile, avez-vous une idée précise de l’aboutissement souhaité ?
Tous mes tableaux sont la résultante de souvenirs, d’émotions éprouvées devant des oeuvres d'art ou des paysages. Aucun n’est directement inspiré du réel. C'est à chaque fois la recomposition imaginaire d'un ressenti, l'ajustement d'éléments hétérogènes qui tendent vers leur point d'harmonie. C'est la toile elle même qui parfois me conduit. Comme si j'avais une image en moi et qu'elle émergeait peu à peu. C'est lorsqu' en quelque sorte je "reconnais" cette image que le tableau est abouti. Ce moment-là me donne une grande plénitude . .
Comment choisissez-vous vos titres ? Ils me viennent naturellement, puisque qu'ils traduisent l'intention de mes tableaux, ce qui me pousse à peindre. "Icônes" c'est la présence du sacré dans la nature ; "Eveil"l'émergence de la conscience à travers la force des paysages ;"Regain", la permanence de la nature et l'éternel recommencement de l'éphémère...